samedi 4 mars 2017

Ainsi parla Rma, le fileur de temps... 7

Après cette tempête, les jours succédèrent aux jours. Il faisait froid, moins que l’année précédente disait le grand-père. Il ne neigeait pas. La grand-mère vivait dans la crainte que cette météo trop clémente ne permette aux seigneurs de refaire des razzias dans les troupeaux. Le peu de neige tombée rendait difficile leur camouflage.
Avec celles de Burachka et Trumas, la maison de Koubaye formaient un petit hameau au bout d’un chemin sans issue. Le mot hameau était bien grand pour désigner leur groupe de constructions. La demeure de Burachka était la première et la plus près du chemin. Elle était aussi adossée à la colline et en partie troglodyte. Trumas avait une solide bâtisse toute creusée dans un piton de pierre de l’autre côté du vallon. Elle faisait plusieurs niveaux reliés par des escaliers creusés eux aussi. Koubaye en était un peu jaloux. Elle semblait beaucoup plus amusante avec des coins et des recoins disséminés dans tous les sens. Le grand-père lui avait fait remarquer, un jour où Koubaye exprimait son envie d’une maison comme cela pour jouer, que Trumas devait rentrer deux fois plus de bois qu’eux pour se chauffer. Cela avait fait réfléchir Koubaye, sans pour autant lui ôter la nostalgie d’habiter un tel lieu.
Ce fut Koubaye qui les vit le premier. Il était à vadrouiller sur la crête. Il aimait ce paysage qui dominait la grande plaine. Il remarqua le groupe de cavaliers. Ils montaient de grands chevaux. Il jura entre ses dents comme son grand-père sans quitter le couvert de la forêt, il courut vers la maison. Il y entra en courant, hors d’haleine.
   - ILS ARRIVENT ! ILS ARRIVENT !
La grand-mère prit Koubaye par le bras.
   - Calme-toi et décris ce que tu as vu !
   - Un groupe de cavaliers arrive par le chemin de la plaine…
   - Ont-ils un chariot ?
   - Non, je n’ai vu que des cavaliers.
Les deux grands-parents échangèrent un regard lourd de sens. Koubaye sentit que la situation était grave. Il aurait mieux valu qu’il y ait un chariot. Il ne savait pas pourquoi et n’eut pas le loisir de le demander, car les deux adultes commencèrent à s’agiter et à ranger toute la maison.
   - Ne reste pas là, mon garçon… Va te cacher dans la grotte avec les chèvres, lui dit la grand-mère en le poussant dehors.
Koubaye savait qu’on ne discutait pas avec la grand-mère. Il partit donc en courant vers la forêt. Il jeta un coup d’oeil derrière lui sans voir les cavaliers. Il était à couvert quand le premier cheval apparut tout en bas du vallon.
Koubaye mit en pratique ce que son grand-père lui avait appris. Personne n’aurait pu suivre sa trace. Il se retrouva bientôt dans la grotte. Le troupeau s’était rassemblé contre une des parois. Il restait silencieux. Koubaye en fut heureux. Il préférait rester avec ses pensées.
La journée passa lentement, très lentement. Cela lui était insupportable de rester là, à ne rien faire sans savoir. Il n’osait pas sortir. Son grand-père lui avait donné l’ordre de l’attendre, sans préciser combien de temps. Pour ne pas utiliser les provisions, il se contenta de traire des chèvres. En cette saison, elle n’avait pas beaucoup de lait. Le repas fut maigre. Quand la lumière déclina dans le couloir d’accès à la grotte, Koubaye eut peur. Personne n’était venu le chercher. Et si tout le monde était mort ?… Et si les loups venaient la nuit ?... Il prit le temps de bien arranger les épineux qui composaient la barrière du couloir. Même si les loups venaient, ils ne pourraient pas passer. Puis vint une image d’ours… La peur, qui s’était éloignée pendant qu’il arrangeait les buissons contre les loups, revint. Ses quelques branchages n’auraient pas la solidité nécessaire si l’ours venait. Il essaya de se raisonner. Son grand-père lui avait dit qu’ils avaient presque tous disparus et que pendant l'hiver, ils ne bougeaient pas. Pourtant la peur lui tenailla le ventre. Le peu de lumière dont il bénéficiait encore disparut.
Koubaye tremblant de peur s’allongea sur une banquette de pierre creusée dans le fond de la grotte. Il s'enveloppa dans ses couvertures, ne laissant sortir que son nez et ses yeux. Le sommeil le prit alors qu’il guettait l’arrivée du danger. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire